Les sorciers du ciel by Christian Bernadac

Auteur:Christian Bernadac [Bernadac, Christian]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire, Guerre
Éditeur: France-Empire
Publié: 1966-12-31T23:00:00+00:00

CHAPITRE XVI

AUSCHWITZ

— La Gestapo !

— Attention la Gestapo !

En ce matin de mai 1941, une dizaine de voitures blindées cernent la paroisse Saint-Stanislas et le petit séminaire de Cracovie. Un quart d’heure plus tard, onze prêtres et un religieux laïc, – accusés de tous les crimes de la terre : diffusion de journaux clandestins, émissions radiophoniques, résistance armée – se retrouvent enchaînés sur le plateau d’un camion(163).

Le centre d’accueil de la Prison centrale Montelupi a l’habitude de « traiter » les ecclésiastiques :

— Toi la première « Merde Noire », ici !

— Toi…

Et sans autres formalités les tortures commencent.

Trente-deux jours de « salle de soins » avec baignoire et maître-nageur velu, chevalet à flagellation, chambre de réanimation équipée de crochets de suspension et de générateurs électriques.

— Alors, à propos de votre réseau de résistance, vous nous disiez…

Les douze Salésiens n’échappent pas à la grande spécialité de leur inquisiteur :

— Enfoncer des clous, en pleine chair, dans les mains ou les pieds serait vous faire trop d’honneur : vous vous prendriez pour le Christ… mais, si je prends ces mêmes clous et si, délicatement, je les glisse sous vos ongles…

Le 26 juin, jour de leur départ pour Auschwitz, aucun n’avait parlé.

*

Pour Reinhard Heydrich, l’un des théoriciens du règlement des affaires polonaises, il était évident que les prêtres, membres actifs de cette « intelligentsia » qu’il fallait détruire par le fer et le feu, seraient frappés parmi les premiers.

— La solution(164) du problème sera différente pour la couche des chefs et pour la couche inférieure des travailleurs polonais. Dans les territoires occupés, il ne reste au plus que 3 % de la couche des chefs. Mais ces 3 % aussi doivent être rendus inoffensifs et seront mis dans les camps de concentration. Les einsatzgruppen (détachement de police S.S.) doivent établir des listes comprenant les chefs de marque, et des listes de la classe moyenne : instituteurs, clergé, noblesse, légionnaires, officiers, libérés, etc. Les besoins religieux des Polonais doivent être satisfaits à l’aide de prêtres catholiques venus de l’ouest, mais ceux-ci ne doivent pas parler le polonais…

Il est facile de comprendre les motivations de cet ordre. On donne au peuple, à la masse des travailleurs que l’on va exploiter, ses amulettes, ses philtres et ses sorciers pour les séances dominicales d’exorcisme en latin, mais comme les mages ignorent le polonais, ils ne peuvent instruire les enfants et les adultes.

— Il s’agissait(165) donc de supprimer la nationalité et la culture polonaise, le génocide en un mot : extermination physique des « chefs » et ravalement au rang de bêtes de somme du peuple, conservé en vie.

Les persécutions contre le clergé commencèrent donc, immédiatement après la conquête par les Allemands du territoire polonais.

— Le lendemain(166) de l’occupation de Varsovie, les Allemands arrêtèrent environ trois cent trente prêtres. À Cracovie, les collaborateurs les plus proches de l’archevêque Sapieha furent arrêtés et envoyés en Allemagne. Le chanoine Czeplicki, âgé de soixante-quinze ans et son adjoint furent exécutés en novembre 1939. Jusqu’en 1941, sept cents prêtres environ furent assassinés ; trois mille autres(167) étaient en prison dans les camps de concentration.

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